Lionel: Comment appelle-t-on un praticien de la santé chez les Amérindiens ?
JoAn: Si ta question est pour les gens de traditions je réponds sans hésitation homme ou femme médecine car dans notre territoire le mot ‘’Chaman’’ n’est pas très utilisé, ce mot est emprunté à la Sibérie.
En fait chaque famille linguistique avait un mot pour nommer l’homme ou la femme médecine, EX : celle qui travaille avec les plantes, la Bowen.
De nos jours, de plus en plus, sur les réserves, le mot médecin est utilisé, car bien des formes pensées se sont installés avec l’arrivé des premiers colons en Nouvelle France. La force de frappe a été si forte qu’au fil du temps bien des évènements ont transformés les façons de faire des peuples Amérindiens : façon de vivre, de pensée, de se nourrir et même dans la façon d’être habité de la PRÉSENCE !
Le mode de vie qui était basé à la terre demandait une attention constante et un profond respect !
Les écoles résidentielles (les pensionnats) ont causés beaucoup de ravages au mode de vie traditionnel, mais en parallèle, il y a, comme chez vous, de la résistance et plusieurs personnes travaillent avec des méthodes plus traditionnelles, plus nobles, plus globales.
Lionel: Comment est-il formé ?
JoAn: En vivant la tradition, le mode de vie. Il y a encore des Ainés qui partagent leurs savoirs et puis à la lumière de ce que l’on apprend on « ajuste » ce nouveau savoir à « l’essence de la tradition ».
Pour ma part je dirais que c’est la nature qui est mon maître et la médecine des plantes me forme…me transforme !
J’ai aussi suivi une formation dans une école d’herboristerie auprès d’une femme médecine exceptionnelle.
Il ne faut pas perdre de vue les innombrables éléments qui se sont ajoutés au mode de vie des Amérindiens et nous ne pouvons pas faire comme s’il n’en était rien.
L’air que l’on respire, l’eau que l’on boit et la terre qui nous nourrit ont subits des transformations gigantesque aux fils du temps et nous n’avons pas le choix, nous devons composés avec ces états de fait.
Lionel: Dans toutes les Amériques (Nord et Sud) il existe plusieurs tribus différentes. A-t-on autant de médecines amérindiennes que de tribus ? Ou existe-t-il des similitudes ?
JoAn: Il y a certaines nations (tribus comme vous dites) qui ont de grandes similitudes, cela dépend du territoire si celui-ci est en forêt, en bordure de mer, dans les plaines, dans le désert … nomade ou sédentaire.
Il y a tout de même des similitudes mais surtout sur le plan spirituel.
Lionel: Quelles approches utilise la médecine amérindienne (plantes, animaux, énergie, etc.)?
JoAn: Ce qui monte en moi, en termes d’approche, c’est le respect.
Une approche globale du corps physique et de ce qui l’habite au dehors comme au dedans.
Les deuils et les DÉSENCHANTEMENTS (vous savez ces évènements de la vie qui déstabilise notre vie): le mépris, le rejet, le manque d’amour, la tromperie d’un être cher, la maladie, la perte d’emploi, les remords, la rancune, la perte d’un enfant, d’un compagnon de vie …
Ces deuils demandent un temps d’arrêt, mais pour vivre un deuil il faut déjà pouvoir comprendre et c’est souvent la partie difficile.
EX : Si la tristesse m’habite je serai, au quotidien, plus stagnante, recroquevillé et mes fluides corporels finiront par devenir, si je reste dans cet état trop longtemps, marécageux… la tristesse est lourde sur le plan de l’énergie et plus l’énergie est lourde plus le champ vibratoire est bas. Pour palier ces périodes de vie il est important de nourrir la vie, être en mouvement, quand même un peu, être accompagné même si c’est en silence et prendre le temps de vivre son deuil, sans rester dedans…
La prise de petites pilules ‘’engourdie’’ le mal de vivre mais ne change pas la condition primaire. La nature ne nous montre t’elle pas, elle même, comment faire du bon compost !!!
Il faut composter le mal de vivre en transformant le tout afin de pouvoir s’élevé au dessus (faire un temps d’arrêt pour ne pas avoir à se dire mais J’ÉTAIS OU moi tout ce temps ?).
Les jardiniers, et ceux qui travaillent en accord avec la nature connaissent, en général, le grand ART du compostage, la nature enseigne à qui écoute…
Le compostage demande un temps afin de permettre la transformation de la matière, les morceaux plus gros étant les plus lents à se décomposés.
Le retour à la vie doit accepter une partie de sa mort afin de nourrir le possible espoir de renaissance.
Il faut travailler sur les plans subtils de notre corps, les émotions connus et non reconnus et celles-ci impliquant parfois des pertes au niveau de l’âme… (Vous savez les ‘’mais J’ÉTAIS OU moi tout ce temps ?’’).
Plusieurs hommes et femmes médecines utilisent le tambour pour faire le voyage vers l’âme de la personne « demandante », à ce niveau il y a « négociation » dans le plan subtil.
Cette approche n’est pas spécifique aux Amérindiens, presque tous les peuples dits primitifs avaient une façon semblable de faire à ce niveau.
Sur ce sujet il y en aurait très long à dire…
Parfois nous sommes la pour donner une petite poussé dans le dos, parfois c’est une plante qui fera l’affaire et d’autres fois c’est l’énergie d’un animal dont la personne à besoin. Parfois c’est un rituel qui doit accompagner le passage.
Tout cela pour dire que chaque cas à sa médecine et parfois la guérison a pour chemin la maladie !!!
Lionel: Et comment est réalisé un "diagnostic[1] " ou plutôt un bilan de santé du malade ?
JoAn: Il y a différentes façons de faire, moi j’écoute et je laisse monter en moi ce qui vient!
Parfois c’est une personne qui a eu un diagnostic ex : un bébé qui fait une pneumonie, alors nous y allons directement sur le plan physique avant de regarder « dans les alentours ».
Chaque rencontre à son mystère et puis moi je ne suis jamais à la même place dans la vie, mon état qui rencontre l’état de l’autre, mes DÉSENCHANTEMENTS qui rencontrent les DÉSENCHANTEMENTS de l’autre.
Avant une rencontre j’aime faire une purification pour être bien centré, à l’écoute de l’autre. Je demande aux forces de vie de m’accompagnés et de me guidés, je demande à la compassion de m’accompagner et surtout ne pas prendre le POUVOIR de l’autre…
Lionel: Lors de mon dernier voyage au Québec en 2010, je me suis intéressé à l’histoire des premières nations et notamment à l’arrivée des premiers colons français sur le sol canadien. La première chose dont ont été victimes les autochtones, ce sont les maladies que les Européens apportèrent. Les Amérindiens n’ont pu enrayer les épidémies. Les médecins des premières nations dirent qu’ils ne pouvaient guérir les maladies nouvelles car ils ne reconnaissaient pas l’esprit de ces affections.
Que voulaient dire tes ancêtres par « esprit de la maladie » ?
JoAn: Bonne question !
Question qui demande des mots sur ce qui est vibratoire, sur ce qui est mémoire, sur ce qui est subtil.
Les premiers colons Français portaient dans leurs vécus, en lien à leur histoire, une programmation psychique entachée de souillures psychologique. Les miasmes des épidémies tel que la gale, la sycose, la luèse, la tuberculose, la malaria se sont rependus très rapidement. Le système immunitaire n’était pas préparé à ces agressions.
Le choc des cultures a été incommensurable. Les Ainés n’avaient aucun repère physique et spirituel en lien avec ces nouveaux arrivants et leurs émanations.
Je ne sais pas si je m’exprime bien, c’est en lien avec les formes pensées si tu vois ce que je veux dire !
Lionel: Joan, penses-tu que la médecine amérindienne pourrait être considérée comme complémentaires à d’autres médecines, notamment à la médecine occidentale et scientifique dite « médecine conventionnelle » ?
JoAn: Très certainement, elle a sa place. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la médecine amérindienne évolue, aussi, à la lumière des temps ‘’moderne’’. Une culture qui se fige qui se momifie n’est plus vivante, il y a donc devoir de mémoire mais aussi d’adaptation. L’adaptation au milieu de vie, au climat, au virus… Ce que tous les peuples de la terre ont toujours fait !
De plus en plus nous voyons la science qui appuie les dires des Anciens.
Lionel: La médecine de tes ancêtres a-t-elle des réponses face aux maladies dites de civilisation (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires) ?
JoAn: Chaque cas est différent, chaque personne est un laboratoire avec sa propre chimie qui est composée de son vécu, son histoire, et de la mémoire du sang!!!
Il y a des plantes, des exercices physiques et spirituels et l’alimentation. Pas de réponse toute faite, pas de médecine FAST FOOD.
Lionel: Quel est la place de l’approche médicale amérindienne dans le Québec d’aujourd’hui (et le Canada en général) ?
JoAn: Il faudrait dans un premier temps qu’il y ai une place pour les Amérindiens au Québec pour que je puisse te parlé de la place de la médecine!!!
Nous n’irons pas plus loin sur ce.
Mais tu peux regarder le film/documentaire ‘’LE PEUPLE INVISIBLE’’ DE RICHARDS DESJARDINS, tu auras une belle leçon d’histoire, attention c’est chaud ! Moi j’ai ressortie la recette de cœur de Jésuites…
En général le peuple Québécois vit un profonds malaise en lien avec leur histoire qu’ils ont ‘’oubliée’’ ou qu’ils ne connaissent tout simplement pas !
Ici je ne me prononcerai pas pour le « Kanata » en général, je vis au Québec.
Lionel: Quelles sont les traditions que tu souhaites perpétuer ?
JoAn: Ce qui est propre à certains de mes Ancêtres (je suis Métis/Nipissing le lac Nipissing est tout près du lac Huron) c’est qu’ils savaient ÊTRE des humains.
Je souhaite pérenniser la pratique les cueillettes, des rituels, la loge des lunes, une alimentation plus simple, plus près de sa source avec moins de transformations, plus propre.
Je souhaite pérenniser les fondements spirituels en continuant de demander aux Ancêtres de toutes les directions de me nourrir…
C’est l’histoire d’une vie !
Lionel: Peux-tu nous dire en quoi consistent les ateliers que tu animes et qui sont intitulés
« l’herboristerie au quotidien » ?
JoAn: « L’herboristerie au quotidien » est un des ateliers que j’anime mais le but de tous ces ateliers est dans un premier temps la rencontre avec le vivant…Bien sur nous rencontrons des plantes, nous apprenons à faire de teintures, des onguents et puis quand, comment cueillir.
Il y a des clefs à connaître pour cueillir.
« La loge des Lunes » une rencontre entre femme. Une réflexion sur notre vie qui est soumise à des métamorphoses qui suivent un ordre déterminé. Dans notre vie d’humain chaque étape étant un tournant important. Tout est inter relié et chacun de ces passages rythment notre passage sur terre entre la naissance et la mort.
Le déroulement rythmique que l'on remarque très bien dans le règne végétal, qui ne développe pas seulement une racine mais aussi une tige, feuille, calice, corolle, fruit et graine…une étape menant à une autre étape de l’évolution, de la maturité.
Interview de Lionel Barrieu que vous retrouverez sur le site: http://blog-medecine-energetique.com
Je n'aie pas encore rencontré Lionel Barrieu, hormis par courriel, par contre je regarde son blog de temps en temps et j'aime bien ce que j'y trouve.
[1] En France, le mot diagnostic est interdit pour les praticiens non-médecins. Il faut préférer « bilan de santé ». Seul un docteur en médecine peut réaliser et poser un diagnostic.